Estimation de l’âge

Dès que l’on s’intéresse aux vieux arbres, une fois l’identification précise établie, vient systématiquement l’interrogation à propos de l’âge qu’ils sont susceptibles d’avoir. Toutefois, l’approche de cette question centrale tend à être faussée par l’opinion commune qui avance très généralement des chiffres exagérés, bien éloignés de la réalité. Ceci tenant à la longévité potentielle de quelques essences majeures susceptibles d’atteindre de grandes dimensions, celles-ci étant comprises comme l’expression certaine d’un âge très avancé. Dans toutes les régions françaises, il existe des chênes dits “millénaires”, mais qui, dans les faits, dépassent rarement quatre siècles.

Il importe donc de distinguer d’emblée très clairement gros arbres et vieux arbres. En même temps, il faut garder à l’esprit que des arbres de petite taille, voire d’allure chétive, peuvent être très âgés (Genévriers de Phénicie du Bois des Rièges ou des falaises du Verdon, certains buis, etc.).

Après bien des rencontres permises par l’inventaire Arbrem, l’œil exercé parvient nettement à cerner cette différence entre gros arbres et vieux arbres.

Toutes les espèces n’ont pas une longévité potentielle équivalente :
« En France, quelques essences peuvent vivre 1500 ans ou plus : ce sont les ifs, les buis, les oliviers, les aubépines, les genévriers et les houx. Viennent ensuite les châtaigniers, les chênes pédonculés et verts, les pins de montagne et les mélèzes qui peuvent dépasser dix siècles dans des cas exceptionnels, mais vivent en tout cas plus de 500 ans. Les tilleuls, les micocouliers, les ormes et les hêtres dépassent rarement 4 ou 500 ans. Parmi les fruitiers, exception faite de l’olivier, le poirier [et le cormier] sont ceux qui vivent le plus vieux, jusqu’à trois siècles [voire davantage pour le cormier] ». R. Bourdu

La région Provence Alpes Côte d’Azur, du fait de sa grande amplitude climatique et altitudinale, par l’influence maritime, tant climatique que dans ses incidences sociales, recèle une diversité d’espèces arborées exceptionnelle et un grand nombre d’arbres remarquables de premier ordre dans leur espèce, au niveau national, avec un facteur âge élevé. Sont par exemple dans ce cas :

  • L’olivier de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes Maritimes)
  • Le chêne-liège de La-Londe-les-Maures (Var)
  • Les chênes verts à Tourettes-sur-Loup (Alpes Maritimes)
  • Les mélèzes millénaires des Alpes de Haute Provence et des Alpes Maritimes
  • Le chêne « à la dynamite » de Grambois (Vaucluse)

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Mélèze âge de 500 ans dans les Ecrins (Hautes Alpes)


Chêne « à la dynamite » de Grambois (Vaucluse)

« Peu d’arbres périssent de leur mort naturelle ; la plupart succombent à des conditions extérieures défavorables », précise Robert Bourdu ; outre la coupe directe, les facteurs défavorisants sont souvent liés de nos jours à la dégradation du milieu naturel.

Le changement de mode de gestion des prairies naturelles est ainsi un élément important dans l’évolution des vieux arbres associés à ce milieu. Soit l’alternance fauchage/pâturage, qui entretient la diversité floristique, est abandonnée et la prairie reste en friche, ce qui a long terme peu jouer sur la dynamique du sol et sur l’arbre ; soit on délaisse le système d’irrigation traditionnel, qui a favorisé le développement de l’arbre concerné, et la prairie autrefois inondée régulièrement ne l’est plus, le sous-sol s’assèche et les racines restées assez superficielles ne sont plus suffisamment alimentées en eau, ce qui peut entraîner le dessèchement partiel de l’arbre. C’est probablement le cas pour le platane de Lamanon, dont le houppier s’est éclairci.

Comment déterminer l’âge d’un vieil arbre ?

La possibilité de parvenir à une estimation comparative de l’âge des arbres est l’un des buts principaux de cette étude. Les mesures (circonférence du fût) et la prise en compte des données écologiques, parfois le repère d’une datation absolue (date de plantation, carottage), permettent d’établir les limites qui cerneront la remarquabilité de l’espèce.

Une source fiable, mais à vérifier : la date de plantation.
Dans de rares cas, on dispose d’une date de plantation. Il s’agit généralement de la date de création d’un parc ou de celle de la construction d’une bâtisse à laquelle l’arbre est associé:

  • Arbousier du château de la Voulte au Pradet (83-098-01), planté en 1570.
  • Micocoulier du Parage aux Arcs sur Argens (83-004-02) ; il aurait été planté en 1680 pour fêter le passage de Louis XIV.
  • Orme de Gorbio ; une stèle à son pied précise « Olmo piantato nel 1713 ».
  • Glycine du Buffet de la gare des Arcs sur Argens (83-004-04), plantée en 1865 lors de l’inauguration de la ligne les Arcs – Toulon.


Mûrier de Lauris


Micocoulier des Arcs sur Argens


Glycine des Arcs sur Argens

Une date est quelque fois avancée mais demanderait une investigation dans les archives locales afin d’être fiabilisée :

  • Micocoulier de Fox-Amphoux, qui aurait été planté en 1550 (83-060-01).


Micocoulier de Fox-Amphoux

Le carottage : une possibilité de datation absolue, mais souvent contrariée.
Seules les mesures effectuées par carottage et lecture des cernes, lorsqu’ils existent (travail réservé à des spécialistes), peuvent donner des informations certaines sur l’âge exact d’un arbre.
Plusieurs chercheurs de l’Institut Méditerranéen d’Ecologie et de Paléoécologie (Faculté des Sciences et techniques Saint Jérôme à Marseille) nous ont exposé les possibilités offertes par les méthodes de la dendrochronologie.
Celles-ci rendent possible la datation exacte d’un arbre vivant, le prélèvement d’une carotte (de 8 à 12 mm de diamètre) n’entraînant pas de dommage. Ceci, toutefois, lorsque le bois présente des accroissements annuels différenciés, ce qui n’est pas le cas, par exemple, pour l’olivier, pour le chêne vert issu de souche, etc.
Cependant des écueils surgissent : la plupart du temps « le vieil arbre est creux pour tout ou partie, le fût disjoint, boursouflé, les cernes sont étroits, interrompus, incomplets. La mesure de l’épaisseur des cernes des couches périphériques, n’indique, quand on peut la réaliser, qu’une vitesse de croissance de fin de carrière et l’on ne peut l’appliquer au début de la vie ou de l’âge adulte — périodes dont les traces sont effacées par la décomposition du cœur de l’arbre » (R. Bourdu).
Les carottages effectués sur les espèces nous concernant, en zone méditerranéenne, l’ont été dans des peuplements forestiers. La croissance d’un chêne isolé, poussant dans des conditions favorables (pas de concurrence, lumière, sol fertile et profond), ne peut nullement être comparée à celle d’un chêne des collines de Haute Provence. Dans des conditions naturelles, un Pin d’Alep, ne vit guère plus de 150 ans (Lucien Tessier), alors que dans plusieurs domaines du secteur de La Cadière d’Azur, P. Lieutaghi estime à 250 ans de très grands pins encore vigoureux, associés à un bâti du XVIIIe siècle.

Les datations absolues sont des références indicatives importantes mais ne peuvent donc pas servir d’étalon applicable en toute circonstance.


Vieux saule taillé pour la vannerie à Trescléoux (Hautes-Alpes).
Cet arbre est indatable.